Programme

Le programme provisoire de la journée est le suivant :

9h -9h15 : accueil, mots introduction sur PRT5 et la JE

9h15 - 10h15 : conférence d'Hervé Guyon + échanges

10h15 - 10h45 : communication de Catherine Loisy + échanges

10h45 - 11h00 : pause

11h00 - 11h30 : communication d'Orlane Le Quellec + échanges

11h30 - 12h30 : conférence de Laurent Veillard + échanges

12h30 - Mots de conclusion

 

Titres et résumés des conférences :

 

Les systèmes sémiotiques dans des ateliers de production de l’enseignement agricole : Quels rôles dans le potentiel d’apprentissage des situation hybrides ?

Laurent Veillard, Institut Agro Dijon / Laboratoire FoAP

Diaporama de la présentation

Depuis sa création, l’enseignement technique agricole en France possède une longue tradition de formation aux dimensions pratiques des métiers via des phases d’immersion des élèves dans des espaces (ferme, atelier de transformation agro-alimentaire, …) à l’intérieur des établissements scolaires où des productions réelles sont réalisées (Boulet & al., 1998 ; Pelpel & Troger, 2001). La configuration hybride de ces espaces situés à l’interface entre école et situations de travail interroge quant aux conditions par lesquelles des tâches, des matériels et outils, des organisations, etc. venant des situations professionnelles peuvent participer au potentiel d’apprentissage des situations de formation (Mayen & Gagneur, 2017). Dans ce cadre, les multiples systèmes sémiotiques en usage dans les situations de travail proposées constituent à la fois une ressource intéressante pour former, mais aussi une source potentielle de difficultés pour les apprenants (Lambert & Veillard, 2017 ; Veillard, 2018). Dans cette communication, nous nous penchons sur le rôle que peuvent avoir les systèmes sémiotiques de deux ateliers de productions alimentaire (laiterie et salaison) d’un lycée agricole dans l’activité et l’apprentissage des élèves. Nous utilisons des observations filmées d’élèves de BTS participant à la production sous la supervision de formateurs. Nous nous appuyons en particulier sur les concepts de milieu, de double sémiose (Sensevy, 2011 ; Veillard, 2021), de trajectoire sémiotique (de Saint-Georges, 2008) et multimodalité de la communication dans les situations de formation (Kress, 2019). Nous illustrons : 1) la diversité des systèmes sémiotiques (types, caractéristiques multimodales, etc.) que rencontrent les apprenants au cours de leur trajectoire ; 2) la distribution de ces systèmes sémiotiques dans l’espace de l’atelier et dans le temps d’une séance ; 3) la façon dont ces systèmes sémiotiques participent de l’action conjointe entre élèves, formateurs et d’autres acteurs participant à la production.

Bibliographie

de Saint-Georges, I. (2008). Les trajectoires d’apprentissage situées. In L. Filliettaz, I. de Saint-Geoges, & B. Duc (Éds.), "Vos Mains sont intelligentes ! " Interactions en formation professionnelle initiale (Vol. 117, p. 159‑194). Cahiers de la section des sciences de l’éducation.

Kress, G. (2019). L’apprentissage en tant que travail sémiotique : Vers une pédagogie de la reconnaissance. In V. Rivière & N. Blanc (Éds.), Observer la multimodalité en situations éducatives. Circulations entre recherche et formation (p. 25‑50). ENS Editions.

Lambert, P., & Veillard, L. (2017). L’atelier, les gars et la revue technique. Pratiques et différenciations langagières en lycée professionnel. Glottopol, 29, 52‑89.

Boulet, M., Lelorrain, A.-M., & Vivier, N. (1998). 1848. Le printemps de l’enseignement agricole. Educagri Editions.

Mayen, P., & Gagneur, C.-A. (2017). Le potentiel d’apprentissage des situations : Une perspective pour la conception de formations en situations de travail. Recherches en éducation, 28, 70‑83.

Métral, J.-F. (2021). Caractériser la temporalité didactique en formation professionnelle. Education Permanente, 228.

Métral, J.-F., Veillard, L., & Masson, C. (2022). Apprentissage du travail dans des situations hybrides en formation professionnelle. Le cas des techniciens et techniciennes en agro-alimentaire dans un atelier d’école. Education et Socialisation.

Pelpel, P., & Troger, V. (2001). Histoire de l’enseignement technique. L’harmattan.

Sensevy, G. (2011). Le sens du savoir. De Boeck.

Veillard, L. (2018). Le rôle des écrits dans l’apprentissage au sein d’un atelier d’école en CAP de maintenance automobile. Revue Francaise de Pedagogie, 203, 91‑109.

Veillard, L. (2021). Etude des pratiques didactiques en formation professionnelle avec la TACD. Education Permanente, 228, 125‑136.

 

Pour une approche pragmatiste des modèles statistiques

Hervé Guyon, Université de Bretagne Occidentale / Laboratoire AMURE

Diaporama de la présentation

Il y a souvent une vision hiérarchique des sciences, allant des « dures » aux « molles » en fonction du degré d’intégration du formalisme logico-mathématique et donc de l’usage de modèles statistiques en sciences expérimentales. La modélisation statistique découle de trois croyances : (a) ces modèles sont intrinsèquement objectifs ; (b) ils fournissent une précision estimable ; et (c) ils garantissent une rigueur.

En conséquence, beaucoup de scientifiques en sciences humaines sont persuadés que pour faire science il faut imiter les sciences de la nature dans leur philosophie et leur méthodologie et spécifiquement par l’usage de modèles quantitatifs ; ce qui a été nommé “le positivisme statistique”. En réalité, les modèles statistiques sont basés sur des choix qui ne sont pas indépendants de l’idéologie et du cadre social des scientifiques.

Surtout, les modèles mathématisés imposent le plus souvent que les unités statistiques (sujets de l’étude) soient « indépendantes et identiquement distribuées », vision stéréotypée des humains considérés comme des particules indépendantes les unes des autres et évoluant librement sans être influencées par des cadres qui les dépassent. Le formalisme mathématique est donc une simplification de la complexité de l’humain par une vision normative et inscrite dans une démarche réductionniste, perdant la possibilité de poser des modèles plus dialectiques ou intégrant des dimensions à des niveaux différents (individuels et macrosociaux). Ces modèles s’appuient sur des mesures des objets étudiés par une imitation des sciences de la nature, cherchant à avoir des « genres exacts » comme si les objets d’étude avaient une réalité uniquement objective. De plus, il y a souvent une confusion entre le modèle théorique et le modèle mathématique alors qu’ils ne sont pas équivalents. A ceci s’ajoute le problème du mésusage des outils statistiques conséquent d’un cadre prescriptif et normatif posé par les revues scientifiques. 

La critique de la modélisation statistique ne doit cependant pas se confondre avec le refus d’user de tels modèles statistiques. Un modèle a tendance à simplifier le collectif par un portrait-robot unique, c’est-à-dire à un idéaltype qui n’existe pas mais qui peut nourrir notre réflexion. Critiquer cette démarche peut être également critiqué, car il faut bien donner du sens au réel et les statistiques sont un des moyens pour le faire. L’idée générale défendue ici n’est pas de critiquer ou, à l’inverse, d’encenser les modèles statistiques mais bien d’en avoir un regard et usage critiques. Une modélisation statistique en sciences humaines n’est pas une démarche objective mais une démarche discursive inscrite dans un contexte et des enjeux scientifiques, idéologiques et politiques. Concrètement, la modélisation statistique en sciences humaines doit s’affirmer comme une démarche statistique pragmatiste au sens de la philosophie des sciences.

Références bibliographiques sur : https://journals.openedition.org/educationdidactique/11459

 

Titres et résumés des communications :

 

La Méthode trajectoire : construction d'un outil méthodologique ancré dans l'approche culturelle et historique du développement ?

Catherine Loisy, Centre de Recherche sur l'Education, les apprentissages et la didactique et ENS de Lyon

Diaporama de la présentation

Cette proposition de communication porte sur la Méthode trajectoire (Loisy, 2021), un outil méthodologique développé, d'une part pour outiller l'étude du développement de l'activité professionnelle chez l'adulte, d'autre part pour forger la notion de trajectoire de développement, complémentaire à la trajectoire objective conceptualisée en sociologie.

L'ancrage en psychologie culturelle et historique conduit à considérer la personnalité dans une vision holiste, et le développement comme un processus de transformation résultant d'une dialectique, double mouvement inter-reliant automouvement et effort culturel déployé pour le soutenir. Le concept central (Vygotski, 2018) est celui d'expérience vécue. L'histoire expérientielle de la personne est celle de ses rencontres avec des objets culturels : outils, instruments symboliques, rôles sociaux et formes d'intervention (Brossard, 2014). Vygotski (2014) suggère qu'analyser le processus de transformation revient à saisir le déploiement dynamique des moments qui en constituent le cours. Ces moments sont ceux lors desquels une zone proximale de développement (Vygotski, 2011) a pu se créer. Ces lectures sont à la base de la création de la Méthode trajectoire.

Il s'agit d'un entretien individuel pendant lequel l'activité du sujet est contrainte par différentes tâches et des questions (méthode clinique piagétienne). Divers emprunts méthodologiques (récit de vie, représentation visuelle comme instrument de figuration de la signification) sont complétés par des traces écrites (liste, mots-clés) pour permettre au sujet de signifier son expérience et au chercheur de croiser des données. Après s'être remémoré ses moments clés de développement, le sujet est invité, pour chacun d'eux, à formaliser son vécu des conditions sociales (outils, instruments symboliques, rôles sociaux, formes d'intervention), et à conscientiser les processus évolutifs qui ont été permis.

La communication illustre l'utilisation de la Méthode trajectoire par un cas concret. La discussion apporte un regard critique sur cet outil en en montrant les apports et limites.

Bibliographie

Brossard, M. (2014). Monde de la culture et développement humain. Dans C. Moro et N. Muller-Mirza (dir.), Sémiotique, culture et développement psychologique (p. 297-312). PUS.

Loisy, C. (2021). Une combinaison exploratoire de méthodes de recherche pour saisir le développement professionnel sous plusieurs aspects. NCRÉ, 23(1), 104-126. DOI : https://doi.org/10.7202/1084281ar

Vygotski, L.S. (2011). Le problème de l'apprentissage et du développement intellectuel à l'âge scolaire. Dans F. Yvon et Y. Zinchenko (dir.), Vygotsky, une théorie du développement et de l'éducation : recueil de textes et commentaires (Trad. L. Chaiguerova et F. Sève). Universités de Moscou Lomonossov et de Montréal [1re éd. 1934].

Vygotski, L.S. (2014). Histoire du développement des fonctions psychiques supérieures (Trad. F. Sève). La Dispute [1re éd. 1931].

Vygotski, L.S. (2018). La science du développement de l'enfant. Textes pédologiques 1931-1934 (traduits par I. Leopoldoff). Peter Lang.

 

Une reconfiguration de l'entretien face à l'inattendu du terrain : maintenir un pouvoir d'agir sur l'outil méthodologique

Orlane Le Quellec, Centre de Recherche sur l'Education, les apprentissages et la didactique, Université de Rennes 2

Dans le cadre d'une enquête portée sur le développement du pouvoir d'agir des apprenants dans l'apprentissage à l'université, plusieurs entretiens ont été menés auprès d'étudiant.e.s en troisième année de licence. 

L'immersion sur le terrain a notamment laissé place à l'inattendu. Plus spécifiquement, lors des entretiens il a été nécessaire de s'adapter aux besoins des enquêtés conduisant, ainsi, à un éloignement des objectifs visés initialement. Cela a amené à considérer de nouveaux éléments, dans des moments émotionnellement forts, qui sont venus en un sens montrer ce qui était « à cœur » de dire.

Au-delà, d'une réadaptation de la posture du chercheur sur son terrain d'enquête dans sa manière d'interagir face à l'intimité partagée des enquêté.e.s, il a fallu reconstruire la forme de l'entretien au cours des échanges. Dans ce contexte, le modèle écologique (Bronfenbrenner, 1979) a été mobilisé afin d'étudier cette reconfiguration. En effet, les entretiens, construits en premier lieu sur une approche d'explicitation, ont conduit sur le terrain à la mise en forme de récits de vie (Bertaux, 1997). 

Cette communication souhaite donc interroger la manière dont l'outil peut faire l'objet d'un « bricolage » par le chercheur au regard d'éléments extérieurs non prévus. A cet effet, quelle est la légitimité de l'outil à être utilisé et comment le chercheur peut-il maintenir un pouvoir d'agir dans la conduite de l'entretien ?

Il est mis en lumière la nécessité pour le chercheur d'être dans une capacité d'adaptation constante (Bandura, 1986) de son terrain d'enquête dans une finalité de maintenir l'accompagnement des « mots » de l'enquêté; ainsi que dans une volonté de nourrir un cadre de bienveillance et de respect. Surtout, par le maintien d'un pouvoir d'agir (Vallerie & Bossé, 2006) sur l'outil, porté par une forme de créativité du chercheur à articuler des savoirs et à accueillir avec singularité les évènements, il s'établit un processus d'émancipation permanent.

Bibliographie

Bandura, A. (1986). Social Foundation of Thought and Action : A Social Cognitive Theory. Englewood Cliffs,NJ, Prentice-Hall. 

Bertaux, D. (1997). Les récits de vie, Paris, Nathan.

Bronfenbrenner, U. (1979). The Ecology of Human development: Experiments by Nature and Design.Cambridge, MA:Havard University Press.

Vallerie, B. & Le Bossé, Y. (2006). Le développement du pouvoir d'agir (empowerment) des personnes et des collectivités : de son expérimentation à son enseignement. Les Sciences de l'éducation - Pour l'Ère nouvelle, 39, 87-100


 

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